Le figement : quand la peur bloque l’action et les choix
Dans ma pratique, je rencontre très souvent des personnes qui ne comprennent pas pourquoi elles se retrouvent “bloquées” au moment d’agir, de répondre ou de décider. Elles savent quoi faire, elles veulent avancer… mais quelque chose en elles se fige. Ce figement n’a rien d’un caprice ni d’un manque de volonté. Il s’agit d’un mécanisme automatique du corps, déclenché par la peur.
Le figement : une réponse de survie
On parle souvent de la fuite ou du combat face au danger, mais rarement du figement, alors qu’il est extrêmement fréquent. Lorsque le cerveau perçoit une situation comme trop intense, trop rapide ou trop chargée émotionnellement, il peut choisir une stratégie simple : arrêter.
Arrêter l’action. Arrêter la parole. Arrêter la pensée.
C’est une manière de se protéger.
Le figement peut ressembler à :
- un blanc mental,
- une incapacité à répondre,
- une lourdeur dans le corps,
- un silence forcé,
- l’impossibilité de faire le moindre choix.
Ce n’est pas volontaire. C’est un réflexe de survie.
Pourquoi se fige-t-on ?
Dans les séances, j’observe plusieurs causes récurrentes.
1. La peur de mal faire
Quand la peur de décevoir ou de se tromper est trop forte, le cerveau choisit l’option la moins risquée : ne rien faire.
2. La peur de la réaction de l’autre
Pour certaines personnes, dire non, se positionner ou affirmer une limite déclenche une peur relationnelle profonde.
Le figement devient un moyen de préserver le lien.
3. La surcharge émotionnelle
Quand c’est trop, trop vite, trop fort, le système nerveux disjoncte temporairement.
4. Les expériences passées
On se fige souvent parce qu’on a appris très tôt que :
- parler était dangereux,
- se tromper était sanctionné,
- exprimer un besoin n’était pas accepté.
5. L’épuisement
Un organisme fatigué n’a plus les ressources d’agir. Le figement arrive plus vite.
Les différentes formes de figement
Le figement ne se voit pas toujours. Il peut être interne, silencieux, et pourtant très handicapant.
• Le figement mental
Impossible de réfléchir, de formuler, de trancher.
• Le figement émotionnel
Difficulté à sentir ce qu’on ressent. Émotions “gelées”.
• Le figement comportemental
Dire oui alors qu’on pense non. Laisser les choses se faire sans réagir.
• Le figement décisionnel
Ne pas réussir à choisir, même pour des choses simples. Toute décision semble dangereuse.
Le figement s’entretient souvent par un cycle précis :
- Une peur se déclenche
- Le corps bloque l’action
- Rien ne se passe
- La culpabilité s’installe (“Je suis incapable”, “Je bloque toujours”)
- La peur augmente
- Le figement revient plus vite
Ce mécanisme est automatique et injuste. Il donne l’impression d’être “défaillant”, alors que c’est simplement un système nerveux qui tente de protéger.
Comment sortir progressivement du figement ?
Le but n’est pas de “se forcer à agir”.
Il s’agit de sécuriser suffisamment le système nerveux pour qu’il n’ait plus besoin de bloquer.
Déculpabiliser
Le figement n’est pas un choix.
À partir du moment où on le comprend comme un réflexe, il devient moins angoissant.
Réintroduire le mouvement (même minuscule)
Bouger un doigt, respirer un peu plus profondément, tourner légèrement le corps. Ces micro-actions relancent le circuit d’action.
Ralentir
Quand les pensées s’emballent, le système nerveux coupe. Ralentir donne à nouveau accès a de l'espace interne.
Accepter l’imperfection
Le figement est souvent lié à une peur de mal faire. Autoriser le “suffisamment bien” libère énormément.
Identifier la peur réelle
Le figement diminue dès que la peur devient claire. Tant qu’elle reste floue, le corps réagit fort.
Le figement n’est pas une faiblesse. Ce n’est pas une incapacité. C’est la trace d’une stratégie de survie qui a fonctionné un jour et qui continue d’agir, parfois trop souvent, parfois trop fort.
Mais ce mécanisme peut évoluer. Avec un accompagnement approprié et une meilleure compréhension de ce qui se passe dans le corps, il est possible de retrouver la capacité d’agir, de choisir et de s’exprimer, même en présence de la peur.